Juillet

Vendredi 6 juillet
22h35. Les sonorités médiévales de Sting enluthé accompagne
cette fin de soirée au Cellier. Voyage dans la Grande Punto avec le sentiment enjoué de posséder une nouvelle monture plus esthétique, plus puissante, plus confortable… Vrai gamin incohérent avec lui-même. Mes dénonciations vitriolées de l’univers automobile n’ont pas empêché cette vague instinctive du paraître qui me submerge au-delà de toute considération intellectualisée.
Retrouvailles des parents B, de la sœur et de sa petite particulièrement bruyante en cris éperdus ce soir. A chaque fois me revient le regard misanthrope de Léautaud. Comme un élan allergique d’instinct. Pas humainement correct mais [illisible] présent.
Sans doute quelques dosages alcoolisés de trop pour ma carcasse voyagée, je laisse venir les grognes et impressions sans retenue… Faut-il forcément associer qualité et anticipation ? Là c’est du couillon… La létalité de mes scribouillages doit m’alerter sur l’utilité de mes piètres réflexions. Pendant ce temps le sobre Sarkozy savoure l’objectif atteint et peaufine les séductions machiavéliques distillées. Du grand art au regard duquel le dégingandé de Villepin fait figure de trisomique politique.

Samedi 7 juillet, 0h05
Journée grisaille qui n’a pas obéré les diverses activités : une matinée à Saint-Denis C. pour aider Emma et François à débarrasser quelques gravas. Enorme boulot réalisé dans leur demeure, mais encore en cours pour l’essentiel : mur abattu pour obtenir une pièce gigantesque au rez-de-chaussée, électricité refaite, cuisine aménagée… Un vaste nid se dessine au sein de cette Vendée profonde. La localité affichait une prestigieuse, et sans doute impressionnante, manifestation : course effrénée de Solex déchaînés. Du rural jusqu’au bout des mottes !
Après-midi studieuse à saisir l’année 2003 de mon Journal sur un portable surchauffé, celui dont se servait Shue (dont je n’ai plus de nouvelles) en 1996 pour consigner ses recherches irriguant son mémoire de didactologie linguistique. Un matériel qui parvient difficilement aux deux gigas de puissance alors que la clé USB de quelques grammes que je branche dans la Punto Grande cumule huit gigas… Technologie, quand tu nous donnes le vertige...
La petite Ilya de Louise, à quelque quatre mois, transmet souvent ses besoins à travers des cris et pleurs d’une intensité redoutable. Je reste admiratif face au calme affiché de sa mère et de la famille B en général. Je ne dois pas fonctionner de si sereine façon…

Lundi 9 juillet
La grisaille favorise les choses de l’esprit en ce début de pause estivale.
Achevé le premier des six ouvrages en cours depuis quelques mois (quelques années pour certains). Le Boncenne sur Jean-François Revel m’a éclairé sur le parcours intellectuel de ce réfractaire par excellence. Toujours à contre-courant du bon pensé ambiant, il n’a jamais sacrifié ses convictions sur l’autel du carriérisme. Admiration et considération pour cet esprit libre qui, pourtant, présente une trajectoire idéologique opposée à la mienne et affiche des défiances susceptibles de me braquer. Marqué à gauche dans ses première réflexions sur le monde, il affûte ses piques contre le de Gaulle de la Ve, en osmose avec le Mitterrand d’alors qu’il stigmatisera tant lors de sa monarchie républicaine.
De Gaulle n’avait, bien sûr, rien de l’enfant de cœur, mais quel dirigeant peut se priver des armes cyniques, du pragmatisme cruel et de l’impitoyable manipulation qu’exige l’exercice pérenne du pouvoir, sauf à calquer les séniles fanfaronnades d’un Deschanel en perdition. La crédibilité d’un chef d’Etat tient surtout à son extrême conscience des intérêts du pays dont il a la charge et à sa capacité d’agir pour les servir au mieux. Et ça, de Gaulle les réunissait plus que tout autre.
Revel se complaisait, pour quelques cortex embrumés par le consensus rassurant, dans la stérile posture du polémiste, voire – quelle abjection ! – du pamphlétaire. Voilà l’infâme étiquette avancée. La molle inconstance d’un Roger-Pol Droit souligne cette tare littéraire de l’essayiste musclé, niant ainsi, du haut de son « particulaire » magistère, les plus considérables plumes hexagonales qui ont magistralement vitriolé leurs propos pour rendre consistant leur argumentation. Les Pascal, Voltaire, Diderot et Hugo, par exemple, que Revel publiera dans sa collection Libertés. La grandeur d’être de Revel, ses lumineux raisonnements, la fluidité implacable d’une écriture rayonnante : panégyrique assumé, proclamé, hurlé à la communauté humaine pour qu’elle laisse émerger davantage de ces consciences insoumises. Notre époque affadie en a tant besoin !

Mardi 10 juillet
« Petit mais costaud », « l’homme qui convainc plus vite que son ombre » : les détournements de formules de notre base culturelle pourraient se multiplier pour désigner, de laudative façon, le président Sarkozy. La tendance populo-gauchiste étant de critiquer, souvent avec le simplisme discriminatoire des mauvais perdants, mon instinct réfractaire à cette frange pseudo
généreuse m’incline à l’observation bienveillante d’une présidence débutée sans temps mort. « Omniprésident » ironise François Hollande, jubilant de sa trouvaille, oubliant un court instant le champ de ruines qu’il secrétarise comme charcutier en chef de la farce socialiste, Sert-à-rien général du parti des sots en lice pour… 2012.
L’épreuve européenne a été magistralement abordée : là où les fossoyeurs de la Constitution se sont vautrés dans l’inconsistance programmatique, chacun ne pouvant se projeter au-delà de sa mini chapelle, trahissant tous leurs engagements de constituer une force cohérente et refondatrice des priorités européennes, Sarkozy a emporté l’adhésion des plus sceptiques pour un traité simplifié qui devrait permettre le fonctionnement institutionnel à vingt-sept, malheureusement pas pleinement avant 2014. Les humeurs nonistes des Français puis des Néerlandais auront coûté dix ans à la constitution européenne. Triste ironie pour ceux, à gauche, qui ont bavé victoire au soir du Non français : les trois quarts de la Constitution restent de fait en application puisque ce n’était que la synthèse des traités antérieurs toujours valides ; l’essentiel de la partie institutionnelle est repris par le traité simplifié lequel sera ratifié par voie parlementaire ; seule la Charte des droits fondamentaux (d’inspiration française dans sa tonalité et sa philosophie), refusée par les autorités britanniques saisissant cette nouvelle opportunité de se distinguer, aura été la victime complète des Fabius, Le Pen, Besancenot, de Villiers et Laguiller. Belle réussite que d’avoir permis à la Grande Bretagne de poursuivre son hyper libéralisme dans ses recherches
scientifiques. L’insane Emmanuelli et son patibulaire compère Mélenchon peuvent se réjouir : le droit à l’avortement ne sera plus mis en péril par le « droit à la vie » que consacrait cette maudite Charte pour, en fait, rendre impossible le retour de la peine de mort.
Certains chroniqueurs prévoyaient déjà la première défaite de Sarkozy sur la scène européenne à l’occasion de la réunion de l’Eurogroup. Raté, les ombrageux ! En quarante minutes, il a su argumenter pour la perspective d’un assainissement des finances à l’horizon 2012 (et plus 2010). Jean-Claude Juncker, qu’on ne peut soupçonner de connivences mal placées avec le président français lui a délivré un inespéré satisfecit. On devrait faire la fine bouche simplement parce que les amers de gauche lui prêtent toutes les dérives autoritaires ?
Laisser la présidence de la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’opposition, choisir Bernard Kouchner pour un ministère régalien, soutenir la candidature de Strauss-Kahn à la présidence du FMI témoignent peut-être d’un machiavélisme hors norme (Mitterrand ferait presque figure d’amateur : cette perte de magistère amoral chiffonnerait-elle les socialistes !), mais sûrement pas d’un apprenti fasciste.
Le temps des critiques crédibles viendra, mais à force de s’épuiser à l’anti-sarkozysme primaire, les agités de la gauche démontrent leur triste immaturité à assumer une digne opposition, situation politique qu’ils auraient pourtant eu tout le loisir d’expérimenter, de maîtriser et d’affiner : trente-cinq années sur le bientôt demi siècle de la Ve République. En l’espèce, l’expérience ne sert que le pire.
Hier, visite du château des ducs de Bretagne, belle bâtisse dans laquelle devraient se réfugier tous les hurleurs à la dérive autoritaire du pouvoir à la sauce Sarkozy… Tous aux oubliettes, qu’on en finisse !

Mercredi 11 juillet
La grisaille toujours d’actualité sur Le Cellier, je me centre sur la saisie de mon Journal (l’année 2004 commencée ce matin) et la lecture d’ouvrages en cours.




Langue à croquer
Timour Serguei Bogousslavski et sa Morue de Brixton m’offrent quelques plaisirs stylistiques. Ce récit d’une vie mouvementée, en rupture avec une société saisie au scalpel, pourrait m’inciter à convertir mon témoignage chronologique en cohérence littéraire. Pas encore mûr pour cela. La distance temporelle fera peut-être émerger des détails et affûtera mes propos comme ceux de ce « jeune écrivain de quatre-vingt-quatre ans » en 1998, ainsi que l’annonce la quatrième de couverture de ce pavé aux joyaux incisifs.
A l’avenant : « l’Auriol frottait le trône de son cul social, et j’eus plaisir à me souvenir d’avoir, par élan poétique et mépris d’aristo, pissé, à Alger, dans le tiroir de son bureau ».Pour souligner l’abjection du corps judiciaire faisandé, une charge pamphlétaire du plus bel effet : « Conscient de l’aspect terrifiant et funèbre de son rôle, monsieur le procureur vêtait de noir sa viande que l’on devinait molle sur des os pleins d’orgueil. Après avoir servi le Pétain et sa bande et croqué quelques juifs, il ne rougissait pas d’avoir pendu au mur le noble et fier tarin du général de Gaulle, et il demeurait blême. »
Et comme une implacable généralisation : « Dans le soupir j’appréciai l’esthétique nette et sure de l’état fonctionnaire : un peu de blé dans le goulot et le pantin fonctionne. »
Lucidité inaltérable : « les crimes, les iniquités, les corruptions étant inséparables de l’action politique, seuls les hommes définis par ces actes ambitionnent de s’y adonner et y réussissent. Le tour de leur monde est vite fait, bien qu’il soit sans limites dans ses turpitudes. » Le pauvre Bayrou devrait donc abandonner
toute prétention au trône… Sartre à la fête : Revel l’avait épinglé, Bogousslavski le cloue au pilori. « (…) ce Sartre, animal doté d’un machin mental rare, de talent, et pourtant avec ça nullité spirituelle éclatante. A propos de cet agité, dont l’encre racole encore les amants clopinants de la pensée bancale, il est bon, pour lui donner sa place sur l’échelle de l’esprit, de tirer de l’oubli qu’il fit imprimer et coller sur les murs de Paris la cafetière salvatrice du général de Gaulle pourvue des moustaches d’Hitler… Qu’il y ait parmi les clercs un nombre plus élevé de sots tordus qu’en d’autres espèces devrait être un sujet d’études. »
Mon oncle, coco déclaré et sartrien de fait, avait représenté un de mes grands cousins en cafetière moustachue… une référence indécelable, jusqu’à aujourd’hui, pour le pékin inculte que je suis ! Ce grand cousin, plutôt marqué à droite, s’est fait croquer par l’oncle sans pouvoir imaginer l’attaque clandestine dont il faisait l’objet sous couvert de production affective. Même le gaulliste Malraux s’en prend une décapante ration : « Ce désir insatisfait m’inspirait devant le faux, le clinquant sottement admiré, et d’abord celui, fleuve, de la tronche à malices et à tics de Malraux, champion incontestable de la frime intellectuelle bien nourrie de bouillie savante. (…) Il me faisait penser à un mérou nerveux, gonflé de verbe[s] creux. »
Le pamphlétaire eut aussi ses admirations : Cocteau, Picasso, Fernand Léger…Quelques trouvailles à encadrer : « Je n’aimais pas me lever tôt, les matins de la capitale puaient la sueur des pauvres et les pets des ambitieux… » ; « Le touriste, cette ordure animée qui salit la Terre de ses pas afin de fuir son vide et prendre des photos pour montrer à d’autres idiots ce qu’il n’eut pas le temps de voir, est la lèpre du siècle… » Je me fais du mal là…

Et les jockeys, qui eut pensé à les assaisonner : ils « avaient l’air de petits chimpanzés habillés. Ils faisaient jeu de cirque avec leurs culs menus [pluriel curieux], bien trop pour leurs culottes, leurs pattes un peu trop grêles et pas racées du tout à côté de celles des bourrins, leurs blouses de carnaval, leur barda sous le bras pour aller se faire peser comme des poulets ou du fromage sur les marchés. »
Identité de perception via les redoutées cours de récréation : « J’avais en horreur les braillards de mon âge, vulgaires et sots pour la plupart, bêtement brutaux et bruyants. » Tout ce qui emplit les stades à l’âge adulte, tardant à s’entasser dans les fosses très communes.L’art de la description, il s’y adonne jusqu’au jubilatoire : « De sa vaste personne émanait une odeur légère de friture qui semblait donner la nausée à un grand Jésus crucifié, juste derrière lui sur le mur. » Un régal !
Aphorisme déniché : « Croire est le contraire de savoir, c’est le fourbi de la pensée arrangée en blindé aveugle. »
Terrible évidence assénée sur la piètre nature humaine : « Peu d’hommes sont capables de véritable errance, de marcher sur les chemins ultimes de la liberté où nul abri ni gamelle ne sont assurés au bout de la route et de la journée… »
Une autre, en telle symbiose avec mes convictions que je la surécris : « (…) je méprisais la foule, ses basses convictions et leur inévitable crotte : le fanatisme. Semblable au temps ou à la vie, le mépris est irréversible. Tendre la main à un homme, oui et toujours, aux hommes non, et à jamais. »
Enfin, instant d’une nostalgie pour mes fosses de l’irréalisé : « Souvent je songe aux destins à jamais inconnus de ces êtres à peine entrevus et qui pourtant demeurent en moi gravés, et je reçois d’eux la tristesse de n’avoir pu ni su les accompagner, peut-être les aimer, les aider sur l’horrible chemin de jours que toute vie finalement se révèle… » Piocher ça et là dans cette fresque humaine tourneboulante. A lire d’urgence donc.

Jeudi 12 juillet
‘Tite balade à vélo sur les bords de la Loire avec ma BB, entre le Cellier et Thouaré. Goûter à la première après-midi aux consonances un peu estivales. Bords bien plus sauvages que pour le Rhône, les couleurs ondulent par la danse du vent. Dualité paisible qui se laisse porter par ces moments d’évidente harmonie.
Ambiance Tontons flingueurs grinçants dans le groupe parlementaire socialiste de l’Assemblée nationale. Le Sert-à-rien général Hollande est fidèlement relayé à la Chambre des députés par l’Ayatollah Ayrault, digne héritier du terrorisant Carrier. N’admettant pas que l’un des piliers du PS, Jack Lang, puisse répondre à l’invitation du président Sarkozy d’intégrer une commission de réflexion sur la réforme des institutions, il le menace d’une exclusion du groupe. Le Sert-à-rien Hollande ne désavoue pas, Jack Lang s’irrite et quitte ses fonctions au bureau national du parti, restant simple militant, comme Jospin.
Le grand chantier de la refondation idéologique s’annonce périlleux pour les esprits libres. PS, parti stalinien ? On eût apprécié une identique sévérité à l’égard des Fabius, Emmanuelli et Mélenchon lorsque, contre l’avis des militants, ils ont poursuivi leur campagne destructrice du traité constitutionnel. Là, la faute lourde existait, la déloyauté pendable fanfaronnait, et ce quel que soit les résultats du référendum (vire-t-on de leur poste tous les perdants aux élections qui ont respecté la ligne idéologique de leur parti ?).
Sarkozy va certainement trébucher, décevoir, déchanter face aux réalités multiples qui s’imposent, mais la gauche française n’est pas prête de retrouver les ors élyséens tant que, en interne, elle fera montre d’une telle immaturité, d’un tel ostracisme ringard.

Vendredi 13 juillet
Du bleu d’été au ciel, enfin ! Notre dépendance cromagnonne au climat s’accentue avec l’obsession d’une mise à profit maximale de la période ludique octroyée. Affligeant, mais humain.
Apéritif dînatoire chez Laure et Daniel. Gentil moment pour des échanges sans importance. Leurs enfants poussent, bien sûr : Erwan, petit jeune homme sérieux, fin d’esprit, longiligne de corps, témoigne de son attachement à l’environnement et de sa responsabilisation comportementale ; Lina, à trois ans, avec sa bouille de chipie charmeuse et ses longues couettes blondes, a tout le potentiel de l’espiègle attachante.
Parangon de l’ordure politique qui exploite sans état d’âme les faiblesses occidentales, Kadafi va parvenir à ne pas débourser un sou pour dédommager les familles de victimes de son attentat aérien. En faisant accuser et condamner à mort des infirmières bulgares (donc de citoyenneté européenne) pour empoisonnement au Sida de plusieurs centaines d’enfants libyens, alors que la seule cause crédible pour le professeur Montagnier (et des dizaines de scientifiques) est l’insalubrité
criminelle du système hospitalier, la raclure Kadafi a forcé la porte d’une ignoble négociation financière avec l’Union européenne. Leurs têtes (et celle du médecin palestinien) contre une somme équivalant à celle qu’il aurait dû débourser pour les familles victimes du détritus terroriste enturbanné. La transitivité écoeure : c’est nous, les contribuables européens, qui finançons de fait la salauderie assassine de Kadafi la chiasse. Et le pompon institutionnel est délivré par le nauséeux Machin, l’Ordre des Nuisibles Usurpateurs : par un impénétrable mécanisme du fonctionnement interne, la Libye, et donc le bandit patibulaire jouisseur d’atrocités, se retrouve à présider la Commission internationale des droits de l’homme ! Comme le rappelle l’esprit éclairé : ne reste plus qu’à se croiser les bras et à sourire de désespoir à la face du monde.

Dimanche 15 juillet
Arrivés hier à Tréogat, bien à l’écart du village, dans une charmante bâtisse aux murs anciens aménagée pour le séjour des touristes : en face la demeure des propriétaires qui nous font découvrir les espaces confortable du lieu. Chacun ses appartements, chambre et salle de bain, ce qui nous laisse entrevoir une liberté totale dans nos intimités respectives.
Très vite, le défaut majeur de la maison : l’absence totale d’insonorisation entre les deux étages. Tout entendre du couple voisin : voilà qui va nous contraindre à une sagesse respectueuse des autres par propre sentiment pudique.
Et le gris pluvieux règne toujours… bénéfique pour les plongées livresques et scripturales.

Mardi 17 juillet
Un trio de couples qui s’entend pour faire de ces journées de vacances de sincères moments joyeux, ludiques, dans une improvisation fluctuante.
De Tréogat à Plonéour Lanvern en vélo : la balade prévue est annulée suite à une pédale défaillante du vélo d’Aurélia. Arrêt à un petit restaurant bordant la départementale qui, pour dix euros par tête, vous propose deux entrées (dont une macédoine maison à se régaler), une viande ou un poisson (dont le nom m’échappe, mais qui nous éloigne du sempiternel cabillaud), un dessert et un café avec eau en bouteille et vin en carafe. Incroyable rapport qualité-prix. L’apparente gargote bretonne présente un intérieur décoré avec goût, originalité, voire une ébauche d’avant-gardisme pour un tel lieu (peintures d’art abstrait au mur).

Le soir, dans le jardin privatif du logis, autour de l’incontournable apéritif, la discussion arrive sur Heïm et ses dérives, ses excès, ses actes impardonnables. Je tente de m’improviser avocat pondérateur face à maman déchaînée et à Jim remonté. Ce qui peut se qualifier de pédophilie d’abord : rapports sexuels entretenus avec Béatrice, fille de Maddy qu’il avait adoptée, et avec sa fille biologique Alice. Pour le reste, plus de flou. Je n’ai pas évoqué mon propre cas, que je garde pour un témoignage ultérieur.
Maman rappelle l’événement qui lui a fait prendre conscience du grand tricheur-manipulateur qu’est Heïm : aux jeux organisés pour Pâques, avec gros lot pour le vainqueur. A la dernière épreuve (tondre le plus rapidement possible une parcelle de pelouse de la pommeraie) j’arrive en tête, mais Heïm, dans sa souveraine et inique décision, pénalise ma performance pour un vaseux motif de bouchon d’essence non remis (oubli créé de toute pièce, sans doute) ce qui permet de déclarer vainqueur sa fille Hermione. Une démarche bien méprisable pour un adulte qui se prétendait exemplaire patriarche d’une mesnie tout à sa dévotion.
A force d’avoir cumulé ces malhonnêtetés, ces tromperies, ces manipulations à l’égard de ses propres enfants (ou de ceux qu’il prétendait considérer comme tels) il ne restera de sa vie familiale qu’un vertigineux échec.

Mercredi 18 juillet
De retour d’une plage vaste, presque déserte et agrémentée de vagues défoulatoires comme je n’en avais pas vu depuis la Pointe espagnole, vers Royan. Du festif sportif qui nous a sainement épuisé.
Une cure d’actualité qui favorise la lecture (enfin achevée hier soir La Morue de Brixton et en passe de finir l’essai d’Umberto Eco) et la saisie de mon Journal (année 2005 entamée).

Jeudi 19 juillet
Vers 13h30. De retour d’une splendide pérégrination de vingt-deux kilomètres à vélo : plage immense et déserte sous nos pneus, quelques sombres vestiges de l’installation nazie qui s’enfoncent au fil du temps, comme avalés par le sable glouton. Retour par les terres sauvages du littoral en suivant dans l’improvisation quelques ébauches de sentiers cahoteux. Un régal pour les mollets, une plénitude pour l’âme.
Hier soir, juste avant l’apéritif, grande et belle émotion en écoutant la bouleversante chanson écrite et composée par Jim en souvenir de grand-mère. Avec des tournures simples et densément suggestives, puisées dans ses multiples moments partagés avec notre chère disparue, il évoque par petites touches sensibles le monde fontésol et l’affection profonde cultivée. Maman se laisse submerger par l’instant pur, Jim ne pourra empêcher quelques larmes de se mêler aux douces notes de cet hommage mélodieux.
Du joyeux, pour la suite de soirée avec la découverte, pour moi, d’une conviviale Fest’noz à Penmarc’h. L’univers breton aux pieds aériens pour des danses en groupe, les participant reliés, le plus souvent, par les auriculaires. De l’authentique bon enfant où les novices se mêlent aux experts en rythmiques locales. De plus en plus coupé de l’actualité, pour une dizaine de jours encore…

Vendredi 20 juillet
Fourbu, flapi, vanné ! Trente-cinq kilomètres d’un tracé chargé en montées interminables.
Hier, en voulant acheter une carte postale pour l’équipe de Cqfd, je tombe sur le portrait en gros plan du désormais ancien président de la République surmonté d’un titre que l’on attendait « M. Chirac entendu par un juge ». Je n’ai pu résister à l’achat du Monde. Ligne de défense classique : des pratiques dans un contexte législatif inexistant puis incomplet jusqu’en 1995, une nécessité de trouver des moyens de financement pour faire fonctionner la démocratie, aucun enrichissement personnel.
Alain Juppé ayant été condamné pour une des affaires visant aussi Chirac, il serait inique que son supérieur d’alors ne prenne pas au moins l’équivalent. Voyons ce que la Justice a dans le falzar !

Lundi 23 juillet
Hier, clôture du festival de Cornouaille sous un ciel contrasté. Défilé coloré et sonore : les costumes de quarante coins de Bretagne et les entraînants, mais pas débridés, airs au biniou et à la bombarde.
Déambulation à travers les rues de la spacieuse Quimper en quête d’une crêperie, puis, au vu, des établissements complets ou fermés se succédant, simplement d’un lieu où manger : finalement une crêperie (de bonne facture) nous ouvrira sa terrasse déjà bien achalandée.
Passage au musée breton : les collections permanentes pour nous deux, l’exposition La Bretagne de Buffet (sous haute surveillance, paraît-il) pour les deux autres duos.
Depuis deux jours, je traîne rhume envahissant et toux raclante ; les efforts soutenus et prolongés des muscles des cuisses et mollets se font sentir à chaque mouvement anodin des jambes.
Du vélo pratiqué sans dopage, si rare dans les milieux du Tour. Appris que le média télévisé allemand, se chargeant de la retransmission de l’événement sportif hexagonal de l’été, avait décidé l’interruption à la suite d’un nouveau résultat de tricherie à la testostérone pour l’un des membres de l’équipe T-Mobile. Les écuries d’Augias du Tour sont encore loin du reluisant intérieur.
Repris Plateforme de Houellebecq (quatrième ouvrage à achever pendant ces vacances) : des passages troublants sur les rapports humains dans lesquels je me reconnais profondément. L’expérience résonne en écho à la crudité des déclarations de certains personnages ou à l’analyse du narrateur. Bien plus qu’un anodin roman que j’aurais bien vite laissé choir. Il me faudra y revenir pour exposer et approfondir les identifications perçues.

Mercredi 25 juillet

Les rots du roman
Décidément, pas le pied marin pour un brin d’écume. Ile de Sein sous toutes les coutures : pour y accéder et en revenir, passage obligé sur le Biniou II aux mouvements propices à la nausée. Du léger mieux au retour.
Ile modeste : un cœur de village qui vivote, se meurt par endroit. De mille cinq cents âmes au début du vingtième siècle, à un peu plus de deux cents aujourd’hui. Tour de son rivage dentelé suivi de ses voies pédestres improvisées, farniente sur son unique plage sablée. Du bon temps, mais sans aucun sentiment d’envie de la vie des insulaires.
Plateforme de Houellebecq achevé. De très justes remarques sur le sexe, et notamment cette incapacité à faire don du plaisir.
Deux pages d’une violence inouïe contre la religion musulmane qui aurait dû lui valoir une fatwa en bonne et due forme : « Depuis l’apparition de l’islam, plus rien. Le néant intellectuel absolu, le vide total. Nous sommes devenus un pays [l’Egypte] de mendiants pouilleux. Des mendiants pleins de poux, voilà ce que nous sommes. Racaille, racaille !... ». (Sarkozy avait-il plongé dans Houellebecq avant ses déclarations sur les cités à nettoyer ?) Et pas mieux sur les musulmanes : « Des gros tas de graisse informes qui se dissimulent sous des torchons ».
Il paraît que les interviews et déclarations de l’auteur de ces lignes (après un entretien fracassant au magazine Lire) alambiquaient suffisamment ses positions dites réelles pour éviter sa mise en danger. Le roman peut vraiment devenir le genre littéraire des lâches qui n’assument pas pleinement leurs opinions tranchées.
Comment croire un instant que ces développements incendiaires contre les méfaits de l’islam, simplement parce qu’ils sont attribués, sous la forme d’un long monologue, à un personnage fictif, ne reflètent pas l’intime conviction du concepteur ? Travers du roman qui est déclaré soit simplement distractif, évasion baveuse avec la médiocre vie par procuration offerte aux lecteurs, soit à thèmes réfléchis mais qui n’appartiennent surtout pas à l’auteur lui-même. Un trompe l’œil hypocrite qui permet tous les excès qu’auteurs et lecteurs de ce genre sont les premiers à considérer comme intolérables, indignes de la littérature, dérisoires car extrêmes, lorsqu’ils forment un pamphlet.
Même chose pour le Journal : faire figurer des insignifiances, des fadaises, du détail inutile dans un roman, et la transcendance fictionnelle sublime et justifie tout. Faites de même comme
diariste et vous n’aurez que les foudres méprisantes de ce beau monde littéraire qui protège jusqu’à la mauvaise foi sa poule romancière aux crottes d’or.
Il faudrait un jour purger l’univers des lettres de cette enflure disproportionnée qui lamine les autres branches de la littérature.

Jeudi 26 juillet
Dernier vrai jour de vacances avant le retour via Le Cellier et un dimanche de remise en condition pour la rentrée professionnelle.
Le gris du jour s’apparente à celui d’hier, crachin breton en moins, pour l’instant. Ces conditions anti-estivales ne nous ont pas empêchés une promenade en vélo vers la pointe de la Torche, eldorado pour les surfeurs locaux.
Soirée sous le signe de la succulence culinaire : Les Ondines à Saint-Guénolé ont exalté nos sens. Pour moi : alliance de ris de veau et de queues d’écrevisses pour commencer, panaché de poissons au beurre blanc pour continuer et soupe de truffes pour achever.
Pour ces dernières heures, virée avec ma BB à Concarneau, notamment.

Dimanche 29 juillet, 22h20
Extinction précoce des feux pour retrouver la route professionnelle dès demain matin, malgré un emploi du temps léger. Août sera centré sur les deux groupes de socialisation, pas le plus excitant pour le contenu et le type d’auditeurs… de l’alimentaire, en somme, que je dois assurer à défaut d’autres ressources.
Ma BB souffre de points très douloureux dans le dos depuis nos promenades frénétiques à vélo dans le Finistère. Une douleur telle, la nuit dernière, que la nuit s’est entachée de vagues de larmes qui m’ont touché et désemparé.
Le vélo révoltant, pour le Tour 2007, dont je n’avais pas suivi la succession de triches dopées découvertes. Bilalian, le chef du service des sports de France Télévision, n’a pas manqué de rappeler les exigences, utopiques, de ce sport. A voir ces coureurs batailler sur les Champs Elysées, on ne pouvait douter
de l’irrésistible attrait, pour une part d’entre eux, de se dispenser de l’éthique pour tenter l’aventure interlope et nocive. Le Tour a d’ailleurs consacré un maillot jaune non exempt de soupçons. Réalité et rumeurs alourdiront encore pour des années les férus de la pédale.
Pour de Villepin, la brasse coulée prend des allures de noyade programmée, à la façon d’un Juppé chevelu, chevaleresque, mais lui aussi victime de l’insubmersible Chirac.

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